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lundi 19 août 2013

Echanges délicats



On a beau être bavard à faire verdir une pie, il y a des moments où mener une conversation devient particulièrement délicat.

Quelques jours après avoir été embauché comme prof de français dans une école de l’East End, non loin du lieu des derniers jeux olympiques, on m’apprit qu’avait lieu une réunion parents-professeurs. Je pensais, pour cause de récent recrutement, être dispensé de cette redoutable corvée mais il n’en fut rien. Ces rencontres, quel qu’en soit le lieu, sont toujours passionnantes et l’occasion d’échanges particulièrement fructueux.  Tous les enseignants vous le confirmeront.  Quand vous ne connaissez pas encore les noms de vos élèves et que vous êtes encore moins capable de relier ceux-ci au moindre visage, que de plus vous n’avez pas eu le temps de vous faire une idée quelconque de leur niveau  ni de leur comportement, l’exercice devient fascinant. Je passai donc une agréable soirée émaillée de conversations du genre qui suit :

-          Bonsoir Mister Iti-in (C’est ainsi que tout le monde prononçait mon nom, indiqué par un carton sur la table)
-          Bonsoir Mrs …
-          Je suis Mrs Smith, la maman de X (avec les bruits de conversations, je ne saisis pas le prénom)
-          Oui… Il est en quel classe (il y a tant de Smith !) ?
-          Quatrième B
-          (Je consulte ma liste d’inconnus et constate avec horreur qu’il y a deux Smith! Tant pis, je me lance…) Ah, eh bien, Mrs Smith, Andy est…
-          Désolée, le mien, c’est John.
-          Excusez-moi, Mrs Smith. Donc, John est un garçon ma foi très agréable…
-          Et son niveau en français ?
-          (Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise du niveau de français de quelqu’un que je n’ai fait qu’apercevoir deux ou trois fois, dont je n’ai peut-être  entendu le son de la voix  que lors de l’appel  et que je ne reconnaîtrais pas dans la rue ?) Eh bien…  Ce n’est pas si mal… (observons la première réaction : pas si mal a l’air insuffisant) C’est même plutôt bien… (Ça va déjà mieux…). John s’intéresse beaucoup au cours…
-          Pourtant, avec  celle que vous remplacez (La pauvre avait quitté le poste suite à une dépression nerveuse), ça ne se passait pas très bien…
-          Tout nouveau tout beau, Mrs Smith. Espérons qu’il conservera ces bonnes dispositions…
-          Espérons, Mister Iti-in ! Et son comportement ?
-          Eh bien, il n’y a rien à dire (comme sur le reste d’ailleurs), comme je vous le disais, John est un charmant garçon…
-          Pourtant certains profs se sont plaints d’un relâchement de sa conduite le trimestre dernier…
-          Entendons nous bien, Mrs Smith, John est un charmant garçon, mais, comme tous les enfants de son âge, il lui arrive de se laisser entraîner par ses camarades… Vous savez ce que c’est… Nous avons  tous été jeunes (ajouterai « Et vous l’êtes encore » ? Non, ne mélangeons pas tout, surtout que ce n’est pas frappant)…
-          C’est vrai, Mister Iti-in, comme vous avez raison (Pour ce qui est d’avoir raison, je ne crains personne)!
Après m’avoir assuré du bonheur  éprouvé à la rencontre de mon aimable personne, Mrs Smith, Mrs Jones, les époux Walker, Brown et tous les autres me quittèrent, rassurés d’avoir un enfant zélé et de commerce agréable (quoiqu’à l’occasion facétieux). Les meilleures choses (comme les pires) ayant une fin, ce n’est pas sans plaisir que je vis les derniers parents sortir de la salle.

8 commentaires:

  1. Cela dénote en tout cas, un sens aiguisé de la relation humaine.

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  2. Vous auriez pu faire de la politique de haut niveau !
    Une chômeuse de cinquante ans vous eut apostrophé : "Que pouvez-vous faire pour des gens comme moi ?
    - Mais c'est pour ça que je suis là, Madame !"

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    1. Certains me l'ont dit. Mais il est bien tard et cela ne m'a jamais attiré.

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  3. Socialiste de haut étage car j'ai de la considération pour vous mais en tant que parent d'élève moyen, ma réponse aurait été très direct: viva la muerté.

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  4. Ça, c'est du vécu! Les rencontres parents-profs sont une engeance pour les profs. Autrefois n'y venaient que les parents des bons élèves afin d'entendre des compliments. Les bons s'étant raréfiés, il y a eu de plus en plus de parents de jeunes racailles venus exiger le motif de notes si basses. La retraite a été une délivrance que seule la profession peut comprendre.

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  5. Mon fils ( je précise qu'il s'en sort bien jusqu'à présent, tant dans ses résultats que dans son comportement ) est en primaire dans une école de la République plutôt correcte.

    Mais force est de reconnaître que les parents n'y sont pas les bienvenus !

    J'entendais l'année scolaire précédente une enseignante se plaindre ( je cite ) que "les deux parents se rendent aux réunions parents-professeur". Un seul parent suffit bien !!!

    Soyez donc félicité pour votre accueil et votre bonne volonté à répondre même aux questions prématurées des parents qui s'interessent au niveau et au comportement de leur progéniture.

    Ce qui devrait inquièter, c'est quand il n'y a qu'une ( ou deux ) chaise vide à la place d'un ou deux parents...

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